14 mai 2001 (1) Épisode précèdent: 1874-1914 |
Dans les années 20, tous les tennismen du monde jouent en pantalon. Cela peut paraître étonnant aujourd’hui, tant il nous semble évident que cela devait être assez inconfortable, voir même gênant. Mais force est de constater que même après l’apparition du premier short en 1932, le pantalon restera très majoritairement utilisé parmi les grands champions des années 30, et même un peu après la guerre. |
Bill Johnston 1923 |
René Lacoste Paris, 1927 |
Double de coupe Davis Paris, 1928 |
Gerald Patterson Wimbledon 1922 |
Le short n’est pourtant pas une nouveauté à cette époque et la grande majorité des autres sports de plein air l’avait adopté depuis longtemps. Les premiers footballeurs l’utilisaient déjà avant 1900, même s’ils ne montraient pas grand chose de plus que leurs genoux, coincés entre un large bermuda et des chaussettes épaisses qui remontaient le plus haut possible… Dans les années 20, le short existait depuis longtemps chez les boxeurs, les rugbymen et les coureurs à pieds, et sa forme n'était guère différente de celle d'aujourd'hui... |
Un match de rugby Angleterre, 1895 |
Une partie de football Angleterre, 1892 |
Paavo Nurmi Champion olympique Paris, 1924 |
L'affiche de J.O. Paris, 1924 |
Mais le tennis, tout en
étant un sport de plein air, était presque essentiellement
organisé autour de la vie de club, ce qui en faisait un sport de
gens aisés. La vie de club et les mondanités qui vont avec,
forment encore dans les années 20 et 30, l’essentiel des structures
qui organisent le tennis et les compétions amateurs. La tenue «correcte»
est exigée dans tous les clubs, et l’on se doit d’être aussi
élégant sur le court qu’à la ville. Le pantalon est
un élément indispensable de cette tenue «correcte»
qui ne doit choquer personne! En 1920, la tenue vestimentaire fait ainsi
l'objet de recommendatations dans une brochure tennistique destinée
aux débutants:
Le Costume (1920) Le jeu de tennis comporte un ensemble de mouvements rapides, violents parfois, qui toujours demandent une grande souplesse. Il faut donc que le joueur soit légèrement vêtu et ne se voit gêné en rien par son costume dans l’exécution de ses mouvements. D’autre part, il faut que le costume empêche l’évaporation rapide de la sueur et les refroidissements qui en résultent. La chemisette en cellular répond à ce double rôle. A défaut de cette chemisette, en porter une en flanelle est également très bien. Mais en cellular ou en flanelle, qu’elle laisse toujours les avant-bras libres, car les manches longues sont une gêne dans les manoeuvres de la raquette. Que le pantalon soit de flanelle, de toile ou de courtil, serré à la taille par une ceinture de cuir souple ou de caoutchouc, mais serré juste assez pour qu’il tienne, jamais plus. Des souliers ou des bottines en toile ou en cuir très souple avec semelles de caoutchouc ou de cordes tressées complètent ce costume. Sur ce dernier point, les avis sont partagés: certains préconisent les souliers, d’autres les bottines, nous nous en remettrons sur ce point à l’appréciation particulière de chacun, bien que nous penchions plutôt pour le soulier. En effet, la tige de la bottine, quoique très souple, gêne toujours et entrave la mobilité de la cheville et du cou-de-pied, parties du corps qui ont un grand travail à fournir. Voilà le nécessaire. Si de plus on craint par trop l’ardeur du soleil et qu’on n’aime pas jouer tête nue, qu’on se protège d’un chapeau de toile léger, pas plus. Qu’on ait également à sa disposition une veste chaude, un manteau de flanelle ou un chandail afin de pouvoir se couvrir après avoir joué. |
Catalogue d'articles de sport "Williams et Cie", Paris, 1933 |
Mais pourquoi le pantalon
est-il resté si longtemps en usage chez les tennismen? Peut-être
faut-il y voir l’influence de la reine Mary, spectatrice assidue des matchs
de Wimbledon, qui ne supportait pas de voir le moindre centimètre
carré de peau sortir du minimum admis par les convenances conservatrices
de l’époque. Les joueurs retroussaient leurs manches ou même
adoptaient parfois les chemises à manche courtes, mais n’allaient
pas plus loin. Ces dames étaient encore plus mal loties, avec des
jupes plissées en dessous des genoux et le port des bas bien sûr
obligatoire!
C’est le joueur anglais «Bunny» Austin qui le premier osa franchir le pas. Et c’est peut-être mieux d’ailleurs que cette initiative soit venue d’un sujet de sa Gracieuse Majesté, car montrer ses jambes nues ne pouvait être qu’une provocation vis-à-vis de la reine Mary. Que n’aurait-on pas entendu si le provocateur avait été américain ou français ? D’ailleurs, Austin n’osa pas tout de suite présenter son innovation vestimentaire devant la reine. C’est à Forest Hills, en 1932, qu’il se présenta pour la première fois sur le court avec un pantalon coupé au-dessus du genou. Il voulait sans doute tester les réactions du public et de la presse. L’année suivante à Wimbledon, les esprits étaient préparés, et s’il y eut bien un petit silence glacial à sa première apparition en short devant la reine, il n’y eut finalement aucune réaction hostile, et Austin continuera toute la suite de sa carrière en short ! |
Première finale de coupe Davis en short Paris, 1933. |
Bunny Austin 1933 |
Austin et Parker Coupe Davis Wimbledon, 1937 |
Merlin et Lacoste Coupe Davis Paris, 1933 |
Le moins que l’on puisse
dire est qu’il ne fut pas suivi par ses contemporains à quelques
rares exceptions près. Cochet adopte le short immédiatement
après et c’est à Roland Garros, pendant la finale de la coupe
Davis de 1933, que Cochet et Austin offrent pour première fois au
public le spectacle d’un match entre deux joueurs en short !
Curieusement, Cochet reviendra assez vite au pantalon, et le short ne sera adopté que par quelques rares jeunes joueurs. Jusqu’à la guerre, Perry, Vines, Crawford, Van Cramm, Budge joueront tous leurs matchs en pantalon. En France, André Merlin et Christian Boussus adoptent tout de suite le short. Mais Marcel Bernard, Yvon Pétra, Bernard Destremeau restent jusqu’à la guerre -et même bien après- partisans du pantalon. Côté Australien,
Bromwich
reste en pantalon, mais Quist
adopte tout de suite le short. Le N°2 américain Frank Parker
adopte lui aussi le short, mais il est bien seul… Riggs
le rejoint dans cette tenue en 1939, mais avec plus d’hésitations.
Il joue la finale du Queens en short, mais c’est quand même en pantalon
qu’il gagne deux semaines plus tard la finale de Wimbledon! A Roland-Garros,
en 1938 et 1939, plus de cinq ans après l'apparition du short, son
usage reste encore exceptionnel comme le montrent les photos ci-dessous.
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Boussus et Van Cramm Coupe Davis Paris, 1934 |
Boussus et Crawford Coupe Davis, Paris, 1934 |
Budge, Roland-Garros 1938 |
Menzel Roland-Garros 1938 |
Boussus Roland-Garros 1938 |
Destremeau Roland-Garros 1938 |
Finale Double messieurs Roland-Garros 1938 |
Double messieurs Roland-Garros 1939 |
Bobby Riggs Roland-Garros 1939 |
Don McNeill Roland-Garros 1939 |
Van Cramm Riggs Queens, 1939 |
Finale double mixte Championnats de France, 1941 |
Le short ne s’impose définitivement qu’après la guerre, et tous les jeunes joueurs l’adoptent sans exception. Mais il y a encore des résistances, les anciens ne changèrent jamais leurs habitudes: Budge, Van Cramm, Borotra continuèrent en pantalon jusqu’à la fin de leur carrière au milieu des années 50. Tilden, qui adopte le short à plus de cinquante ans, est une exception… |
Tilden en short 1944 |
Le pantalon fait encore de la résistance à Roland-Garros quelques années après la guerre. En 1946, Marcel Bernard remet le pantalon mais se décide à porter le short pour jouer la finale du simple. Mais c'est en pantalon qu'il gagne la finale du double le lendemain! Ce n’est pas un choix définitif et on reverra encore souvent Marcel Bernard en pantalon… On constate la même hésitation chez Yvon Pétra. En 1947, à Roland-Garros, le hongrois Asboth est le dernier à remporter un tournoi du grand chelem en pantalon! |
M.Bernerd et J.Drobny Finale Roland-Garros 1946 |
Bernard-Puncec France-Yougoslavie Coupe Davis 1946 |
Marcel Bernard et Yvon Pétra Finale Double messieurs Roland-Garros 1946 |
Yvon Pétra France-Yougoslavie Coupe Davis 1946 |
Asboth-Sturgess Finale Roland-Garros 1947 |
J.Asboth-M.Bernard Coupe Davis 1948 |
Borotra et Cochet 1950 |
Le pantalon disparaît alors définitivement des tournois du grand chelem, mais connaîtra encore de beaux jours parmi les tennismen vieillissants qui avaient appris à jouer dans les clubs d’avant la guerre. On verra ainsi jusque dans les années 70 d’élégants messieurs aux cheveux blancs continuer à rentrer sur les courts dans la tenue de leurs débuts. Il y avait alors probablement de la nostalgie, et aussi un goût certain pour l’élégance que le pantalon représentait à leurs yeux. Je reste quand même persuadé qu’ils y trouvaient aussi un certain confort… |
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