.

Bobby Riggs
(19) 1939:
Les paris de Bobby Riggs


Épisode précédent : 1938 : Le grand chelem de Donald Budge

Épisode suivant : 1931-1941, le tennis professionnel s'organise.


Bromwich, joueur ambidextre
faisait des revers à deux mains
En ce début d’année 1939, le tennis se retrouve pour la troisième fois de la décennie sans chef de file. Après Vines et Perry, Budge a rejoint à son tour la troupe des professionnels de Tilden après un bref règne de 18 mois. Les candidats à sa succession ne sont pas légion. On pense aux australiens Quist et Bromwich, aux américains Parker et surtout Riggs qui à 20 ans a marqué un point décisif dans le Challenge Round de coupe Davis l’année précédente contre Quist. Quant à l’Europe, aucun joueur de grande classe ne semble devoir émerger, et l’ex numéro deux mondial, le baron allemand Van Cramm, est encore pour quelques mois en prison… 

Aucune délégation américaine ou européenne ne fait le voyage en Australie cette année là, et Bromwich, 22 ans, en profite pour remporter son premier succès en grand chelem au détriment de Quist, 26 ans. Pour Bromwich, c’est une victoire sans lendemain, l’équipe d’Australie s’inscrit en effet dans la zone américaine et ne fait pas le voyage en Europe. Et dès l’année suivante, la guerre arrêtera sa carrière internationale pour ce qui aurait du être ses meilleures années…

Par contre, pour la première fois depuis longtemps, les américains envoient à Roland-Garros une forte et nombreuse délégation de jeunes espoirs comme Frank Parker, 22 ans, qui avait joué la coupe Davis en 37, Bobby Riggs, 21 ans, héros du Challenge Round l’année précédente, Mc Neill, Harris et Cooke… On attendait surtout de voir Bobby Riggs, sa réputation de sang froid et la ténacité dont il avait fait preuve contre Quist faisant en effet de ce jeune américain un favori naturel. Certes, sa relative petite taille ne lui permettait pas d’avoir un jeu aussi fracassant et brillant que Budge, au service et à la volée notamment, mais son intelligence de jeu et sa technique lui avaient déjà permis de s’affirmer comme le nouveau numéro 1 américain.  

Riggs en short...

...Et Riggs en pantalon
  L’on ne peut pas dire qu’il a convaincu le public lors de son séjour parisien. Il arrive certes en finale sans problème, mais sans avoir montré les qualités qu’on pouvait attendre d’un champion du monde potentiel. Il fait le minimum, jouant bien les points importants, arrivant à faire admirer son toucher de balle et son art de la défense. Mais il est dominé en finale trois sets à zéro par son compatriote Mc Neill, un solide texan grand et blond qui lui, au moins, attaque franchement. Riggs ne donne pas l’impression de s’être réellement battu… La bonne surprise et le spectacle sont plutôt venus de la finale du double messieurs, où les anciens Brugnon et Borotra, 44 et 41 ans, luttent vaillamment pendant cinq sets contre Harris et McNeill pour ne s’incliner finalement que 10/8 dans la dernière manche…
Il faut maintenant dire que Riggs avait un trait de caractère très particulier : il pariait sur tout et n’importe quoi, et notamment sur les résultats de ses matchs! Les très mauvaises langues ont même insinué que sa défaite à Paris s’expliquait tout simplement parce qu’il avait parié sur McNeill, et donc contre lui-même ! C’est peu probable. Mais ce qui est certain, c’est que si les règles de l’amateurisme interdisaient de toucher le moindre centime, il n’était pas interdit de parier, et Riggs était vite devenu un maître dans en la matière, surtout en pariant sur lui même, avant et pendant ses parties, aux changements de côté et même quelques fois entre deux points d’un même jeu ! Plus les matchs étaient difficiles, plus il perdait, plus sa cote montait et plus il pariait. Riggs était en fait un homme d’affaires et d’argent, annonçant déjà le joueur professionnel et l’organisateur de tournées qu’il deviendra dans les années 50…  

Riggs à Wimbledon,
avant la finale

A Wimbledon, Riggs, à gauche affronte Cooke.
Riggs donna toute sa mesure un mois plus tard à Wimbledon. On raconte qu’il gagna une véritable fortune en pariant sur sa triple victoire dans le simple, le double messieurs et le double mixte ! C’était un pari osé, car rééditer le triplé que seul le grand Donald Budge lui-même avait réussi par deux fois ne semblait pas à la portée du premier venu, et de Bobby Riggs en particulier ! Sa victoire en simple contre Cooke fut longue et difficile: 2/6 8/6 3/6 6/3 6/2 Mais rien n’interdit de penser que le score ne reflète peut-être pas totalement la partie et que Bobby cherchait à faire monter sa cote auprès de bookmakers londoniens avant d’effectuer une remontée aussi spectaculaire que lucrative…
  Riggs, cette fois, avait conquis sa place de numéro 1 mondial. Mais sa nouvelle position était plus que discutable. Von Cramm, enfin libéré, avait réussi à faire accepter son inscription dans le tournoi du Queens la semaine précédant Wimbledon et il avait écrasé Riggs en finale 6/0 6/1. Van Cramm manifestement jouait un ton au dessus et le fait qu’il n’ait pas été autorisé à participer à Wimbledon pour d’obscures raisons extra sportives laisse légitimement peser un doute sur la valeur réelle du successeur de Budge.

Riggs montre d’ailleurs ses limites lors de la finale de la coupe Davis au mois d’Août à Philadelphie. Peut-être avait-il oublié de parier sur ses chances, ce qui a nuit à sa motivation ? En tout cas, comme tous les ans, le Challenge Round  est le sommet de la saison et l’équipe américaine, tenante du titre, est favorite face aux australiens Quist et Bromwich, qui ne sont pourtant pas les premiers venus. La première journée est favorable aux américains qui mènent rapidement 2/0.

Confiant, le capitaine américain choisit de sacrifier le double qui semble promis aux australiens. Quis et Bromwich viennent en effet de remporter le championnat de double américain au cours d’une finale 100% australienne, battant Crawford et Hopman. Les américains alignent donc deux jeunes espoirs de vingt et dix-huit ans, Joe Hunt et un certain Jack Kramer, dont nous reparlerons.   

Le capitaine américain Walter 
Pate avec Hunt et Kramer

Bromwich au filet
contre Parker
  Ces deux jeunes n’ont rien à perdre, tout à prouver et se battent comme des lions, mais perdent pourtant en quatre sets après une très belle partie. Hunt, hélas, disparaîtra aux commandes d’un bombardier en 1944, mais Kramer confirmera tous les espoirs qu’on avait mis en lui et sera la grande vedette du tennis d’après guerre…

A 2/1 les américains espèrent bien remporter un des deux derniers simples. Mais c’est un Quist regonflé par sa victoire en double qui rentre sur le court. Bromwich, qui a bien étudié le jeu de son futur adversaire, encourage son partenaire : «Si tu bats Riggs, je suis sûr de battre Parker». Et Quist joue ce jour-là le match de sa vie, fait des prouesses et élève la qualité de son jeu comme jamais auparavant. Riggs et Quist jouent un match d’une rare intensité, comme seule la coupe Davis peut en produire. A l’issue d’une terrible bataille en cinq sets, l’australien prend sa revanche de l’année précédente et remet les équipes à égalité…

A deux partout, la confiance change de camp. C'est un Bromwich serein et très motivé qui rentre sur le court. Parker a une réputation de renvoyeur et Bromwich est décidé à le battre à son propre jeu, sans prendre de risques. Après une longue bataille qui voit d’interminables échanges de fond de court, Bromwich ne laisse finalement que 4 jeux à Parker et permet à l’Australie de remporter la coupe Davis pour la première fois depuis 1919.

L'équipe victorieuse: Quist, Crawford, Bromwich, Hopman (cap), Brookes

Riggs victorieux
à Forest Hills
  Comme en 1914, c’est dans une ambiance de déclaration de guerre que se termine la saison tennistique, et comme en 1914,  les australiens vainqueurs ne prennent pas le risque de ramener le précieux trophée dans leurs bagages. La coupe Davis passera donc 6 ans dans un coffre à New-York en attendant des jours meilleurs. Au cours de l’ultime tournoi de la saison à Forest Hills, alors que la guerre est déjà déclarée en Europe, Bobby Riggs a plus de chance qu’en coupe Davis et bat en finale un certain Van Hoorn, bon joueur américain qu'il retrouvea chez les professionnels après la guerre… L’histoire ne garde d’ailleurs pas un grand souvenir de cette dernière épreuve d’avant guerre et personne ne sait si Bobby Riggs avait ou non parié sur ses chances pour cette dernière épreuve de l’année. Tout le monde a déjà probablement la tête ailleurs, se préparant pour des combats d’un tout autre genre…

Épisode précédent : 1938 : Le grand chelem de Donald Budge

Épisode suivant : 1931-1941, le tennis professionnel s'organise.

Des idées, des remarques, des suggestions?E-mail
 

Dernière mise à jour : 10 avril 2010
Copyright BLANCHE NET communications.
Avril 2010. .