|
La domination américaine
|
Kramer parti chez les pros, la suprématie américaine ne fut pas remise en question les trois années suivantes. Coupe Davis, Roland-Garros, Wimbledon, Forest Hills, les joueurs américains remportent tous les titres jusqu’à la fin de 1950. Tous les titres du grand chelem? Non, car l'Australie reste encore une terre lointaine et aucun américain ni européen ne fait le voyage pendant ces années d'après guerre. Domination américaine incontestable, donc, mais aucun joueur ne parvient vraiment à s’imposer durablement, et Jack Kramer n’a pas de successeur à la tête du classement mondial. |
Ted Schroeder, Wimbledon 1949 |
Ted Schroeder succéda à Kramer comme N°1 américain. Brillant universitaire, homme d’affaires et accessoirement partenaire de double de Kramer à ses débuts, il était avant tout un merveilleux joueur de volée. Très occupé, il voyageait peu, se contentant de défendre victorieusement la coupe Davis. C’est un des derniers grands joueurs à avoir mené une activité professionnelle normale tout en continuant à pratiquer le tennis de haut niveau, dans la lignée de ce qu’avait fait avant lui Jean Borotra. Il ne fit qu’une fois le voyage en Europe en 1949, et il en profita pour remporter Wimbledon! Victoire ô combien difficile, puisqu’il enchaîna à cette occasion une incroyable série de matchs en 5 sets. Les londoniens le surnommèrent "Lucky Ted". Voyez plutôt : il bat Gar Mulloy au premier tour 3-6, 9-11, 6-1, 6-0, 7-5, Sedgman, 3-6, 6-8, 6-3, 6-2, 9-7 (après avoir sauvé deux balles de match), Eric Sturgess en demi-finale 3-6, 7-5, 5-7, 6-1, 6-2, et enfin, Drobny 3-6, 6-0, 6-3, 4-6, 6-4! Schroeder rate cette année -là l'occasion de faire un joli doublé en perdant la finale de Forest Hills contre Pancho Gonzales, après avoir pourtant remporté les deux premiers sets . Il joua la coupe Davis pour les Etats-Unis jusqu'en 1951. |
Moins brillant, mais tout aussi efficace était Frank Parker, "l’ancien", qui avait déjà joué la coupe Davis en 1937 aux côtés de Donald Budge. Il est un des seuls joueurs avec les Australiens Quist et Bromwich, à avoir eu une carrière en grand chelem avant et après la guerre. Parker à 30 ans passés avait réussi à se débarrasser de sa réputation de renvoyeur, améliorant notamment son coup droit qui avant la guerre était défensif et coupé. Il gagna Roland-Garros en 48 et 49 grâce à son jeu d’attaque, battant en finale l’inévitable Drobny en 48 et Budge Patty l’année suivante. Il profita de ses deux victoires pour signer un contrat professionnel et rejoindre la troupe de Jack Kramer. |
Frank Parker |
Bob Falkenburg, Wimbledon 1948. |
Bob Falkenburg, le vainqueur de Wimbledon 1948, était plus fantaisiste. Joueur brillant mais irrégulier, affichant une décontraction à toute épreuve pendant ses matchs, il donnait rarement le meilleur de lui-même. Cette unique victoire en grand chelem acquise à la surprise générale resta sans lendemain. En finale, il sauve même deux balles de matchs contre l’australien Bromwich, en donnant l'impression de les jouer comme à l'entraînement. L'’australien, déjà trentenaire, manqua ainsi l’occasion unique de remporter le plus grand tournoi du monde… Jamais selectionné en coupe Davis pour les Etats-Unis, on le retrouvera dans les années 50, mercenaire et membre de l'équipe du Brésil ! |
C'est à cette époque qu'apparut un grand espoir du tennis américain: Pancho Gonzales. Ce fils d’un ouvrier mexicain immigré avait appris le tennis tout seul sur les courts en ciment de Californie, et jouait avec la rage au ventre de celui qui a tout à prouver. Après une première victoire surprise à Forest Hills en 48 – il avait tout juste 20 ans -, il fit une unique tournée en Europe en 49, gagnant notamment les doubles de Rolang-Garros et Wilmbledon avec Parker. Après une saison en demi-teinte, conclue par une deuxième victoire à Forest Hills sur Schroeder, il signa bien vite un contrat professionnel dans la troupe de Kramer pour pouvoir enfin gagner ses premiers dollars! Il allait devenir dans les années 50 un des plus grands joueurs professionnels de tous les temps... |
Pancho Gonzales à ses débuts |
Budge Patty |
Le départ chez les pros de Parker et Gonzales ne remit pas en question la supériorité américaine. En 1950, c’est encore un autre américain qui se distingue en faisant le doublé Roland-Garros et Wimbledon. Budge Patty vivait à Paris depuis 1945, ce qui explique peut-être pourquoi il ne joua jamais la coupe Davis pour son pays. Âgé de 26 ans, il réussit enfin une saison parfaite après plusieurs échecs. C'était un excellent volleyeur et un brillant joueur de double. Une blessure à la cheville le diminua, et c'est fort dommage car pas plus que ses prédécesseurs, Budge Patty ne réussit à s’imposer durablement au plus haut niveau. |
Et
c’est encore un autre américain qui s’impose à Forest Hills
en 1950. Art Larsen était un bon vivant qui avait mauvaise réputation.
Un talent fou et un tennis d’une grand facilité n’empêchaient
pas ce brillant gaucher de vouloir avant tout profiter de la vie. Il faut
dire qu'il avait gardé un très mauvais souvenir de la guerre:
seul survivant de sa section lors du débarquement à Omaha
Beach, il en avait gardé des séquelles psychologiques, et
le tennis était le seul dérivatif qui lui faisait oublier
cette triste aventure. C'était par ailleurs un très joli
garçon, coureur de jupons à ce qu’on raconte, et qui s’entraînait
fort peu. De plus, il préférait une bière et une bonne
cigarette après un match à toute autre discipline, ce qui
explique sans doute qu’il était peu apprécié par ses
dirigeants. On le retrouvera encore finaliste de Roland-Garros en 1954.
Cette victoire de Larsen arrivait deux semaines après la surprenante déroute en finale de la coupe Davis contre l'Australie. Sedgman et McGregor, deux jeunots de 22 ans, avaient littéralement écrasé (4/1) l'équipe américaine emmenée par Schroeder. Ça sentait la passage de témoin. Cette défaite fut durement ressentie par les américains, d'autant plus que parmi les 8 quart-de-finalistes de Forest Hills, tous américains, aucun n'avait été sélectionné dans l'équipe! Piqués au vif, les dirigeants sentirent bien que la suprématie américaine était menacée, et décidèrent d'aller défier l'ennemi chez lui en envoyant pour la première fois depuis longtemps une équipe en tournée en Australie dès l'année suivante. |
Art "Tappy" Larsen dans ses œuvres |
Jaroslav Drobny |
Seul joueur Européen de grande classe à pouvoir opposer une certaine resistance à l'armada américaine, le tchèque Drobny accumula les déceptions au cours de cette période. Spécialiste des matchs marathon, il arrivait souvent fatigué en fin de tournoi . Une trop grande nervosité et une incapacité chronique à se dominer aux moments importants expliquent en grande partie ses échecs répétés à Roland-Garros (3 finales perdues) et à Wimbledon en 1950 contre Patty. Ses problèmes de passeport ne devaient pas non plus lui faciliter les choses: il avait quitté la Tchécoslovaquie en 48 et était devenu apatride, avant de trouver un passeport égyptien, puis finalement britannique. Il se rattrapera brillamment par la suite. |
Enfin, en 1948, en pleine domination américaine, débarqua pour la première fois en Europe un jeune Australien de 20 ans au talent plus que prometteur : Frank Sedgmann. Celui là avait une toute autre classe que les autres joueurs dont nous venons de parler. Il deviendra bien vite le premier d’une longue lignée de très grands champions australiens qui allaient dominer le tennis mondial pendant plus de 25 ans. |
Épisode précédent : 1946-47 : Jack Kramer et le power tennis
Épisode suivant : 1948-1950 Le grand retour des australiens
Des idées, des remarques, des suggestions?E-mail
Dernière mise à jour : 10
avril 2010
Copyright BLANCHE NET communications.
Avril 2010.
.