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Le premier grand chelem de "Rocket"
Si au cours de son quart de final à Roland-Garros, l’Australien Martin Mulligan avait croisé son retour au lieu de chercher le long de la ligne le revers de son adversaire, comme il le faisait systématiquement depuis le début du match, alors il est probable que l'on aurait jamais entendu parler du premier grand chelem de Rod Laver. Car Mulligan tient bel un bien une balle de match au bout de sa raquette, quand il mène deux sets à un, 5/4 et 30/40 sur le service de Laver. Mulligan fait partie de ces nombreux joueurs australiens au solide jeu de service volée capables dans un bon jour de battre n’importe qui. Or justement ce jour là, Mulligan est dans un bon jour, et sur cette surface lente, c’est Laver qui est à la peine. |
Mais c’est dans les situations difficiles que se révèlent les très grands champions. Laver raconte "J'expédie ma seconde balle de service sur son revers et, aussitôt, je me rue au filet. Peut-être aurais-je dû attendre sagement son retour au fond du court. Mais j'ai remarqué que Martin retourne ses balles en revers de façon à ce qu'elles tombent près de la ligne. Cette fois encore, il renouvelle son coup favori, mais je suis exactement au point de chute pour réussir une volée imparable et l'égalisation!" A 5 partout, ce n'est pas encore fini. Le set s'éternise jusqu'à 8 partout quand un juge de ligne compte un point litigieux contre Mulligan qui s'énerve et discute. Quand le jeu reprend, c'est fini,! La chance de Mulligan est passé et "Rocket", en grand patron, reprend la direction des opérations. Il termine le match en vainqueur dominateur contre un Mulligan complètement déconcentré. Ouf! |
L'Australien Martin Mulligan à Roland-Garros |
Laver en route vers la victoire Roland-Garros, 1962 |
L’obstacle
Mulligan passé de justesse, c’est encore un autre australien, gaucher
comme lui, qui va lui mener la vie dure en demi-finale. A près quatre
sets disputés, Neale Frase réussit le premier à faire
le breack au cinquième set et mène 5/4 service à suivre.
Mais là, inexplicablement, le bras de Fraser se met à trembler.
Laissons encore une fois parler Laver: "Je n'ai qu'une petite chance de
m'en sortir. Mais curieusement, Neale s'engage dans ce qui aurait dû
être le dernier jeu avec prudence, et ne suit plus son service au
filet. Cela fait exactement mon affaire, il me laisse soigner mes retours
de service, je peux même me permettre d'attaquer. Je saisis au bond
l'occasion miraculeuse que Neale m'offre, je gagne les trois jeux suivants
et un match qu'il n'aurait jamais dû perdre."
Et ce n'est pas fini ! Un autre australien va encore frôler la victoire contre Rod Laver en finale. Roy Emerson, son rival à la tête de la hiérarchie mondial, a réussi à se débarasser du tenant du titre Manuel Santana au tour précédent à l'issue d'un match très dur en 5 sets. En finale, Emerson est encore dans un bon jour, c’est une nouvelle leçon de patience sur terre battue que prend Laver. Le voilà mené deux sets à rien, puis 3/0 dans le quatrième set quand Emerson se met à ralentir imperceptiblement la candence. Laver égalise, s'accroche jusqu'à 7/7 avant de faire enfin le break décisif. Le cinquième set n’est finalement qu’une formalité, mais pour la troisième fois de suite, Laver est passé bien près de la catastrophe.
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Laver
commente sa victoire et cette terre batue qu'il n'affectionne guère:
"J'ai passé beaucoup de temps en Europe pour comprendre la surface.
J'ai compris la nécessité d'alterner les stratégies,
d'attaquer puis de rester au fond, puis d'attaquer de nouveau. J'ai appris
à me soucier de la météo: les conditions de jeu sont
différentes selon qu'il a plu et que le court est humide ou qu'il
fait chaud et sec, avec les chaussures qui se remplissent de terre rouge...
J'ai du tout réapprende du début. Sur terre battue gagnent
ceux qui savent contrôler la balle et contenir l'envie de frapper.
Il est nécessaire de savoir jouer des coups assez mous, trouver
des angles et quand on monte, volleyer en profondeur. Il faut beaucoup,
beaucoup de patience. Parfois, il est bon d'apporter son déjeuner!"
Affronter et vaincre trois australiens de suite sur une surface difficile qui n’est pas sa tasse de thé, voilà le véritable exploit de Rod Laver au cours de l’année 1962. Sur cette terre battue qu'il maîtrise enfin, cette première victoire à Roland-Garros le laisse de justesse en course pour un grand chelem auquel il n'ose pas encore penser. Car il a déjà remporté les championnats d'Australie contre le même Emerson en début d'année. Victoire sans grande difficulté, avec un seul match difficile au premier tour contre un certain Geoff Pares qui l'avait obligé à sortir le grand jeu: 10/8 18/16 7/9 7/5! |
Rod Laver à Roland-Garros, 1962 |
A
Wimbledon, Laver ne connut qu'une seule alerte en quart de finale contre
Manuel Santana. L'espagnol faisait le même chemin initiatique que
Rod Laver mais en sens inverse, cherchant à maîtriser le tennis
sur gazon. Manolo, déchaîné se mit à lifter
comme jamais. Il remporta le premier set 16/14 puis mèna 5/1 puis
5/4 0/30 sur le service de Laver. Chanceux, l'australien intercepta miraculeusement
tous les passing de son adversaire, sauva une balle de set et égalisa.
Laver emporta finalement les trois derniers sets 9/7 6/2 6/2. Il écrasa
ensuite Fraser et Mulligan, ses deux victimes de Roland-Garros sans perdre
un set.
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Finale de Wimbledon contre Martin Mulligan. Victoire facile 6/2 6/2 6/1. A gauche, ce journal anglais
présente les 8 tête de série du tournois
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Forest Hills 1962. C'est gagné pour Rod Laver! |
Avec
les trois premières levées dans sa poche, Laver en pleine
confiance ne pouvait plus perdre! A Forest Hills en Septembre, il ne lache
que deux sets pendant tout le tournoi, battant en finale le pauvre Emerson
pour la troisième fois de l'année. C'était gagné!
Donald Budge était là
pour assister à la conclusion d’une extraordinaire saison et féliciter
l’Australien qui renouvelait l’exploit qu’il avait lui-même accomplit
en 1938. C'était l'année de la naissance de Laver, justement,
et il se trouva un esprit chagrin pour remarquer que le grand chelem semblait
promis aux seuls rouquins!
Vainqueur du deuxième grand chelem de l’histoire du tennis masculin, dominant le tennis amateur de la tête et des épaules, Laver n’avait alors plus d’autres choix que d’accepter les offres de ses amis Rosewall et Hoad pour passer professionnel. C’est finalement pour un fixe de 100.000$ garanti sur 3 ans que Laver quitta le monde amateur après une ultime victoire en coupe Davis en fin de saison. Sollicité également, Emerson préféra quant à lui garder son statut d’amateur avec la bénédiction de sa fédération qui souhaitait le voir continuer à défendre la coupe Davis, quite à fermer hypocritement les yeux sur les dessous de table qu’il touchait… |
C’est
la coupe Davis qui va d’ailleurs apporter les seules grandes surprises
de taille de la saison. La descente aux enfers de l’équipe américaine
continue: pour la première fois depuis sa création
en 1922, les américains ne remportent pas leur zone, battus sans
gloire par les étonnants Mexicains Osuna et Palafox. C'est une confirmation
pour Rafael Osuna qui s'était révélé en 1960
en reportant le double de Wimbledon associé au jeune américain
Denis Raslton alors âgé de 17 ans. A Mexico, Osuna remporte
ses deux simples contre McKinley et Douglas, et le double contre son ancien
partenaire associé à McKinley. La suite est encore
plus surprenante: l'équipe mexicaine se hisse jusqu'en finale, après
avoir éliminé la Yougoslavie 4/1, la Suède 3/2 et
l'Inde 5/0. Au passage, Osuna et Palafox gagnent le double de Forest Hills,
ce qui est un très belle performance. Mais à Brisbane, pour
cette finale de coupe Davis inédite, il n'y aura pas de miracle.
Rod Laver pour sa dernière apparition chez les amateurs remporte
ses deux simples sans perdre un set et l'équipe d'Australie garde
la coupe sans problème en remportant les 5 matchs.
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Rafael Osuna |
Emerson et Laver en 1962: la dernière année d'une belle équipe? Il se retrouveront partenaires de double quand les tournois deviendront open en 1968. |
Une
semaine plus tard à Sydney, Rod Laver faisait ses débuts
professionnels contre Hoad et Rosewall. Chacun pu alors mesurer l'immense
écart qui existait entre les amateurs, représentants du tennis
"officiel", et les "pros". Voici ce qu'en rapporta une dépêche
d'agence de presse: "Contre Rosewall, 8000 spectateurs ont vu un Laver
mystifié courir après une balle vraiment contrariante qui
allait toujours du côté où il ne se trouvait pas! Score
final 6/3 6/3 6/4". Hoad qui l'avait battu un peu plus difficilement
la veille 6/8 6/4 6/3 8/6 eut se commentaire avec un journaliste:
- Rod a tout ce qu'il faut
pour faire des progrès...
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Dernière mise à jour : 10
avril 2010
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Avril 2010.
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