Emmo à la une de World Tennis
Juillet 1967
Les héros du grand chelem
Roy Emerson
(Australie, né en 1936)
"Emmo"
On aurait pu aussi le surnommer "L'Homme aux dents d'or"... Il en avait en effet tellement que sa bouche lançait des éclairs étincelants à chaque fois qu'il riait - ou qu'il faisait la grimace quand il ratait une volée facile... 

Le palmarès de Roy Emerson reste inégalé en grand chelem, toutes épreuves confondues: 28 titres, et son record de 12 titres en simple fit longtemps référence. Mais c'est le palmarès du plus grand faux-amateur de tous les temps, la plupart de ces titres ayant été acquis à l'époque où professionnels et amateurs vivaient dans deux mondes distincts. Seul des australiens de la grande époque à avoir choisi cette voie, Emerson préféra rester amateur, vivant grassement de salaires fictifs et de dessous de table avec la bénédiction de sa fédération. Il put ainsi continuer à jouer la coupe Davis, accumuler les titres et ... ignorer les problèmes fiscaux que connaissaient ses collègues professionnels!


Jeu de cartes,
vers 1975.
Fils d'un fermier du Queensland, le petit Roy débute dans la vie loin de toute civilisation. Il se fait le poignet en trayant les vaches tous les matins, et joue au tennis sur le court familial avec ses sœurs. Très vite, il devient la terreur des championnats du Queensland et accumule les succès dans sa catégorie d'âge. A 15 ans, Roy est déjà décidé  à faire du tennis son métier, et son père choisit de s'installer à Brisbane où son fils peut trouver des conditions d'entraînement autrement meilleures que dans le bush. Il est vite remarqué par Harry Hopman. En 1954, à 17 ans, il part pour sa première tournée mondiale. Ses compagnons de voyage s'appellent Rosewall, Hoad, Fraser, Cooper, et Anderson...
  Emerson n'est pas un jeune prodige comme ses glorieux aînés. Pendant 4 ans, il va ainsi accompagner Hopman en Europe et en Amérique, mais sans grands résultats. On dira de lui plus tard qu'il était le moins doué des jeunes australiens de cette époque. C'est peut-être vrai, mais c'est sûrement le plus têtu et le plus travailleur. En 1958, déçu, il reste en Australie pour travailler avec Sedgman. En 1959, il repart en tournée avec Neale Fraser comme partenaire de double. Ce sont enfin ses premiers succès: 4 titres en double en 1959 et 1960, une demi-finale à Wimbledon, et ses premières sélections en coupe Davis, toujours en double avec Fraser. Le voilà lancé. En 1961, il joue pour la première fois en double avec Laver avec qui il gagne Roland-Garros. 
1961 voit enfin son premier succès en simple aux championnats d'Australie. Même si cette première victoire est alors plus attribuée aux blessures de ses adversaires malheureux Laver (poignet) et Fraser (genou) qu'à ses qualités propres, elle montre quand même qu'à 25 ans, Roy  Emerson a enfin franchi un palier. La même année, il confirme ses progrès en remportant Forest Hills, une belle victoire en trois sets sur Laver. Il devient alors titulaire en simple pour la finale de la coupe Davis trois mois plus tard.

En 1962, il est l'incontestable N°2 mondial derrière son grand rival et ami Rod Laver qui réussit le grand chelem. Emerson est trois fois finaliste malheureux contre son ami et il est loin d'être ridicule. A Roland-Garros, il passe bien près d'une victoire en 4 sets.... Et s'il n'est pas finaliste à Wimbledon, c'est à cause d'une blessure qui le force à abandonner en quart de finale contre Martin Mulligan.


Première victoire en Australie 1961
A côté, Margareth Smith

Journal Belge de Juillet 1965
après sa deuxième victoire à Wimbledon


Emerson à Roland-Garros.

Laver, passé professionnel, tous les espoirs lui sont permis. Avec ses qualités athlétiques exceptionnelles, sa vitesse de déplacement non moins exceptionnelle, il est a l'aise sur toutes les surfaces en simple comme en double. Si son jeu manque de subtilités, il est redoutablement efficace. Il peut donc raisonnablement penser au grand chelem. En 1963, il fait les deux premières levées avant d'échouer lamentablement à Wimbledon, probablement fatigué, contre le modeste allemand Bungert. En 1964, il remporte trois épreuves sur quatre, et c'est Pietrangeli qui le prive d'un grand chelem en quart de finale de Roland-Garros.  Cette année là, il accumule les records, remportant 26 tournois sur 30 disputés, et finissant la saison sur une série de 55 matchs sans défaite!

En 1965, après un deuxième titre à Wimbledon, il n'a plus grand chose à prouver, mais refuse de quitter les rangs amateurs, malgré une offre de 85.000$ pour passer professionnel. C'est que, salarié fictif d'une grand marque de cigarettes - Philips Morris -, il pouvait tranquillement voyager à travers le monde et monnayer ses participations dans les tournois à coup de dessous de table. Signalons tout de même pour sa décharge qu'il n'était pas le seul à avoir ce genre de pratique. Santana par exemple était salarié de Malboro et gagnait très bien sa vie sur les courts de tennis! Pour situer son niveau de revenu, on raconte qu'il demandait 200.000$ pour rejoindre les rangs professionnels, le double de ce qu'avait obtenu Laver après son grand chelem deux ans auparavant!


Le journal TENNIS USA rend compte de la défaite
d'Emerson face au jeune espoir américain Pasarell
en 1965. Mais où est Merion ?
Le style de Roy Emerson ne semble pas avoir émerveillé ses contemporains, du moins quand il jouait en simple. Un jeu monocorde de service volée, attaque à outrance quelque soit le jeu de l'adversaire ou la surface, toute tactique se résumait à la conquête du filet. Par contre, sa vitesse de déplacement, notamment ses montées au filet, étaient exceptionnelles. Il n'était pas à l'aise en fond de court, et il n'avait aucune patience pour varier son jeu et user l'adversaire par des changements de stratégie. Finalement, on pourrait résumer le jeu de Roy Emerson par ses mots "Ça passe ou ça casse: ". Sur le court, il avait un formidable tempérament de lutteur, se battant toujours du premier au dernier point. Il ne se plaignait jamais de blessure, ne cherchait jamais d'excuse et affirmait que s'il rentrait sur un court tennis, c'était toujours avec la conviction qu'il allait gagner! D'ailleurs, Laver a dit de lui: "Mon vieil ami Emerson est celui qui m'a fait le plus souffrir, car il n'admet jamais la défaite!". A Wimbledon en 1966, alors qu'il se dirigeait tranquillement vers un troisième titre consécutif, il se blessa bêtement en quart de finale contre Davidson, en percutant la chaise d'arbitre. Il ne se plaignit pas et mit un point d'honneur à finir la partie.

A Wimbledon, 1970.
Son adresse à la volée, ses reflexes et ses interceptions dans toutes les positions acrobatiques possibles faisaient de lui un très grand joueur de double, peut-être un des meilleurs de toute l'histoire du tennis. Il sut triompher sur tous les courts du monde avec des adversaires aussi différents que Fraser, Laver, Stolle, Fletcher ou Santana. La présence de Roy Emerson sur le court central de Wimbledon pour un match de double suffisait à enchanter le public, et ce, quelque soit le partenaire ou l'adversaire! On aurait pu dire de lui ce qu'on a dit de McEnroe 20 ans plus tard: "La meilleure équipe de double du monde ? C'est Emerson avec... n'importe qui!"

Le vote de la fédération internationale en faveur de l'open le 30 mars 1968 privait Emerson de sa situation privilégiée. Deux jours après, il choisit enfin la voie de l'honnêteté et de la transparence en signant un contrat professionnel. Il retrouve son ancien compagnon et ami Rod Laver avec qui il forme alors une formidable paire de double. Mais de succès en simple, il n'en sera plus question. Même s'il réussit encore ici où là des matchs d'anthologie, il ne réussit jamais à prendre le meilleur sur Laver, Rosewall ou Newcombe. De cette deuxième carrière comme professionnel, on retiendra ces deux matchs très difficiles perdus contre Laver pendant son grand chelem en Australie (6-2 6-3 3-6 9-7) et à Forest Hills (4-6 8-6 13-11 6-4), son quart de finale à Wimbledon en 1970 où il eut 5 balles de break au 5eme set contre Newcombe (11-9 au 5eme set), et cette cruelle défaite en quart de finale des championnats d'Australie 1971 contre son aîné Ken Rosewall 6-4 6-4 6-3.

Mais ses admirateurs garderont surtout le souvenir de cette formidable démonstration qu'il fit en double avec Laver à Wimbledon en 1971. Leur victoire en finale contre Ashe-Raslton en 5 sets (4/6 9/7 6/8 6/4 6/4) fut saluée par le public par une immense ovation, hommage rendu aussi bien à Laver pour sa formidable carrière, qu'à Emerson pour son talent de joueur de double. Pour les deux australiens, ce sera leur dernière victoire en grand chelem. En 1974, tous deux décident de s'associer pour monter un camp d'entraînement aux États-Unis, d'abord en Arizona, puis en Californie. Emerson fit quelques années une carrière d'entraîneur avec l'équipe des Boston Lobsters dans la cadres des épreuves de la World Team Tennis. Après la disparition de cette organisation en 1978, il s'installa définitivement en Californie. C'est là qu'il vit encore aujourd'hui non loin de son vieux copain et associé Rod Laver...

Avec Rod Laver à Roland-Garros, 1969

Avant de lancer leur camp de 
tennis Laver et Emerson publient
un livre sur leur méthode 
d'entraînement en s'amusant!

 


Carte publicitaire
pour collectionneurs.

Emerson comme tout 
champion qui se respecte,
a écrit un livre 
sur son sport.

Raquette CHEMOLD
signées Emerson

Emerson retraité heureux dans con camp de tennis
vers 1990.

Emerson pendant 
la célébrétation 
du millenium à 
Wimbledon

Voici son palmarès en grand chelem: 12 simples et 16 doubles messieurs.
Il est le quatrième joueur de l'histoire du tennis (après Perry, Budge et Laver) à gagner les quatre tournois du grand chelem, mais pas la même année.

Championnats d'Australie Simple Messieurs(6) 1961-63-64-65-66-67
Double Messieurs(3) 1962   Neale Fraser
1966   Fred Stolle
1969   Rod Laver
Roland-Garros Simple Messieurs(2) 1963-67
Double Messieurs(6) 1960   Neale Fraser
1961   Rod Laver
1962   Neale Fraser
1963   Manuel Santana
1964   Ken Fletcher
1965   Fred Stolle
Wimbledon Simple Messieurs(2) 1964-65
  Double Messieurs(3) 1959   Neale Fraser
1961   Neale fraser
1971   Rod Laver
Championnats d'Amérique 
Forest Hill
Simple Messieurs(2) 1961-64
Double Messieurs(4) 1959   Neale Fraser
1960   Neale Fraser
1965   Fred Stole
1966   Fred Stolle
Coupe Davis (8) 1959-60-61-62-64-65-66-67

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Dernière mise à jour : 23 Mars 2003
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