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Connors à Wimbledon pendant la finale perdue contre Ashe
Et déjà deux de chute...
(60) 1975
Jimmy Connors
chute trois fois...
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L'année 1975 commence bien mal pour Jimmy Connors. Aux internationaux d’Australie, l’américain encore tout auréolé de son petit chelem est pourtant le grandissime favori. La finale programmée le premier janvier 1975 n’est pas faite pour attirer les joueurs européens ou américains, et dans un tableau composé essentiellement d’australiens, seul Newcombe semble pouvoir lui opposer une résistance digne de lui.. Mais l’australien, déjà trentenaire et vieillissant a raté sa saison 74, saura-t-il trouver assez de ressources pour se remotiver et revenir au plus haut niveau ?
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Pour Connors, tout semble effectivement trop facile et il arrive en finale comme une fusée, ne perdant qu’un seul set au troisième tour contre le modeste australien Reid. Il y retrouve Newcombe, la tête de série N°2, qui lui a eu un  parcours beaucoup plus difficile: 5 sets contre l'allemand Gehring, 5 autres encore contre Masters (victoire 10/8 au 5eme...), et une demi-finale marathon contre son vieux copain Tony Roche dont le retour en forme se confirme. Newk passe l'obstacle 11/9 au 5eme, et il aborde la finale certes fatigué, mais avec quelques bons matchs dans les jambes...

Ce n'est pas le cas de l'américain qui pêche par excès de confiance. Les premiers tours trop facilement gagnés ne lui ont pas permis de se régler. Contre Newcombe qui apparaît pour la première fois depuis longtemps au sommet, Connors a bien du mal à régler ses passing et ses retours de service qui sont ses points forts. Au milieu du troisième set, il croît bon de rendre un point à Newcombe suite à une erreur d'arbitrage. Cette double faute volontaire lui coûte un jeu, peut-être même le set et les jeux défilent vite. Ce geste chevaleresque ne se renouvellera plus. En attendant c'est Newcombe qui mène. Impérial dans son jeu de service volée, il réussit à conclure victorieusement au tie-break du 4eme set. 

 

"Connors : Un de chute"
Tennis de France févrir 1975
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Ce premier faux pas est vite oublié, et Connors continue de bouder les circuits traditionnels fréquentés par les plus forts. Pire: conseillé par son manager Bill Riordan, il accepte de se prêter au jeu douteux des matchs défis. S'inspirant de l'organisation des matchs de boxe, Riordan réussit à persuader la chaîne de télévision CBS d'investir un demi-million de dollars dans des matchs à grand spectacle appelés modestement "Heavyweigth Championship of tennis" (Championnat Poids-lourd de tennis"). Ces rencontres se déroulent bien sûr à Las Vegas, haut lieu du spectacle sportif, sur le principe du "Tout au vainqueur". Le 2 février, pour le premier de ces matchs-défi, Connors écrase Laver en semi-retraite. Le 26 avril, c'est la revanche contre Newcombe qui est annoncé à grand coup de publicité avec un enjeu de 500.000$ !!! Newcombe, de plus en plus accaparé par ses affaires et à cour de compétition est mal préparé, Connors le bat facilement en 4 sets 6-3 4-6 6-2 6-4. Heureusemnt, Riordan dut mettre fin à ces tennis-spectacles qui n'avaient rien à voir avec le tennis traditionnel, quand on découvrit que contrairement à ce qui avait été annoncé, Newcombe avait touché des garanties pour participer... En tous cas, une chose est sûre : En refusant de jouer la coupe Davis, en boudant l'ATP et les circuits traditionnels du Grand Prix et de la WCT, Connors ne se faisaient pas que des amis dans le milieu du tennis professionnel. Il lui arrivait même d'échanger par journaux interposés, des propos peu amènes avec le président de l'ATP, un certain Arthur Ashe, avec qui il sera vite en procès pour diffamation !
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Connors à la "une" du Time, "Tempête sur les courts"
Avril 1975
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"The million-dollar kid", le gamin au million de dollars ==>
allusion aux matchs défis gagnés par Connors en 1975
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Arthur Ashe, le nouveau président de l'ATP, fait moins parler de lui, mais réussit un excellent début de saison. A 32 ans le noir américain semble enfin avoir trouvé équilibre, constance et sérénité dans son jeu. Sur le circuit hivernal de la WCT, il a enfin des résultats dignes de son immense talent : finaliste à Bologne et à Richmond, vainqueur à Barcelone, Rotterdam, Munich et Stockholm, il se qualifie aisément pour la phase finale de Dallas qu’il remporte en dominant Borg en finale... C'‘est sa première grande victoire depuis 5 ans. A n'en pas douter, il faudra cette année compter avec lui.

Pour Connors, la prochaine étape, c'est Wimbledon. Et pendant que son futur rival Borg conserve facilement son  titre à Roland-Garros (victoire sur Vilas trois sets à zéro), Jimbo lui continue d'user son tennis dans les compétitions Intervilles. Quand il débarque à Wimbledon pour défendre son titre, il est le l'incontestable tête de série N°1. Cela ne l'empêche pas de se fait remarquer par une déclaration aussi inutile que fracassante "Celui qui ma battra à Wimbledon n'est pas encore né !". Sans commentaires...


Tennis de France juin 1975


Impressionnant jet de 
raquette de Borg pour 
sa deuxième victoire à 
Roland-Garros

Rosewall à Wimbledon, 1975
Sa dernière aparition sur le central court
La grande affaire de ce début de Wimbledon 1975, ce n'est pourtant pas Connors et ses provocations verbales, ni le retour en forme d'Arthur Ashe. Non, encore et toujours, il s'agit de Rosewall qui ne renonce pas ! A quarante ans passés, l’australien fait encore le voyage et rêve d’un beau parcours. A la surprise générale, il est classé tête de série N°2, ce qui ne manque pas de faire sourire les observateurs face à cette générosité des organisateurs… Certes, ceux-ci n’étaient pas encore obligés à l’époque de tenir compte du classement de l’ATP, mais tout de même… C’est donc Rosewall qui va monopoliser l’attention pendant la première semaine du tournoi, jusqu’à son quatrième tour. Ce jour là, sur le "centre court", l’Eternel Whiz Kid rencontre… un revenant! En effet, après un tennis elbow, deux ans d’absence et un an d’entraînement acharné, Tony Roche est enfin de retour. A trente ans, l’australien met les bouchées doubles pour reconstruire à la hâte une fin de carrière digne de son talents et de ses espoirs déçus. N’était-il pas déjà finaliste en 68, et le dauphin de Laver en 69? Ce match des anciens australiens a quelques chose de nostalgique et d’émouvant. Le public pu alors voir pour la dernière fois un match à l'australienne, fait de service volée et de toucher de balle au filet, comme on en avait tant vu dans les années 50-60 et qu'on ne devait plus guère revoir par la suite.

Roche de dix ans plus jeune, est tout de suite en jambe, il empoche le premier set 6-2. Puis la partie s'équilibre et Rosewall parvient à remporter le deuxième set 8-6. Tous les espoirs lui sont encore permis, et le troisième set promet d'être décidif...

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A 4/4, c'est encore l'égalité parfaite et Rosewall qui veut à tout prix éviter un cinquième set, sent que c'est le moment. Il réussit le break et se trouve en position favorable pour conclure le set sur son service. Il n'en sera rien : debreaké immédiatement, Rosewall tout à coup perd son tennis, son revers magique, et semble abattu. Il perd le troisième sert 8-6. Ce sera alors une bien triste fin de partie pour le Petit Maître de Sydney qui rate sas adieux à Wimbledon. Mais que diable était-il venu faire dans cette galère à quarante ans ? Pour la première fois de sa longue carrière, on vit Rosewall lâcher sa raquette, faire des mouvements de mauvaise humeur, implorer le ciel, et prendre le public à témoin de son dernier malheur… Une dernier set perdu rapidement (6/1) et Rosewall quitte définitivement le tournoi par la petite porte, alors que Roche plein d’espoir pouvait continuer brillamment son chemin… Il échouera de justesse en demi-finale contra Arthur Ashe 6-4 au cinquième set.

Dans l'autre moitié du tableau, Connors ne rencontre aucune opposition et ne perd pas un seul set. En demi finale contre Tanner, il a fait une démonstration de puissance, de précision et de vitesse qui a enthousiasmé les spectateurs.  Quelque soit le talent de Arthur Ashe, on voit mal comment le noir américain pourrait résister à une telle tempête, et personne ne doute alors que Conors ne conserve son titre très facilement.


Roche, juillet 1975 à Wimbledon
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Ashe en pleine concentration. Ce sera l'image 
forte de cette finale. Pour la première fois, 
des chaises sont mises à la disposition 
des joueurs qui ont enfin le droit de s'asseoir!
  C'est une formidable leçon de tactique que va pourtant donner Arthur Ashe. La veille de la finale, il dîne avec quelques camarades de l'équipe américaine de coupe Davis : Donald Dell ancien capitaine, Charlie Passarell, Dennis Ralston et Marty Riessen. Ashe en ressortira avec quelques principes de base écrits sur un bout de papier, principes qu'il devait relire avant le match et appliquer à la lettre. Par exemple servir long et lifté sur le revers à deux mains de son adversaire pour éviter une montée au filet rapide, jouer systématiquement mou et bas à mi-court sur le revers à deux mains de Connors, sa faiblesse, ne pas répondre à des accélérations et ne pas s'épuiser en frappant comme son adversaire, éviter les échanges de fond de court...

C'est la première finale 100% américaine depuis 1947. Et pour la première fois dans l'histoire de Wimbledon, un noir s'apprête à conquérir le titre. Il n'est pas favori, mais va jouer superbement le coup. Il réussit d'entrée des retours croisés tendus sur le revers de son adversaire qui se rue au filet systématiquement. Connors débordé sur son service est obligé de jouer des coups difficiles, il accumule les erreurs. Devant un public médusé, les jeux défilent à toute allure. Ashe qui sert et volleye superbement enlève le premier set 6-1 en dix-neuf minutes, le deuxième sur le même score en vingt-cinq minutes... Le noir américain est sur un nuage il réussit tous les bons coups au bon moment, et sa concentration aux changement de côté est impressionnante. 

Le troisième set commence mal pour Connors. Il sauve trois balle de break au premier jeu, puis perd son service à 2/2. Il sauve de justesse une balle de 4-2 sur une volée de revers trop longue de Ashe. C'était la balle à ne pas perdre et Jimbo prend enfin le service de Ashe pour égaliser à 3 jeux partout. A 5 partout, Connors toujours sous pression, sauve encore un balle de break. Au jeu suivant, il réussit enfin quelques retours fulgurants et empoche le troisième set 7-5. 

Un nouveau break réussi au début du 4ème set et on crut Connors sauvé. Il mène rapidement 3-0, il a une balle de 4-1 sur son service, et le public s'apprête alors à vivre un cinquième set... Le gamin semble avoir enfin pris la mesure de son adversaire, il a un caractère de lutteur, et il n'est pas le genre à abdiquer. Pourtant, il n'en sera rien. Ashe plus concentré que jamais, retrouve sa réussite insolente avec ses retours de service croisés et tendus. Le scénario des deux premiers sets se répète alors et Ashe fait 5 des 6 derniers jeux. Victoire historique pour l'enfant noir des gethos et de la ségrégation. Dépité, l'enfant gâté de la raquette, à qui l'on prédisait déjà une longue domination sur le tennis mondial, n'aura régné qu'un an. Défaite sans appel 6-1 6-1 5-7 6-4. Voilà Jimmy déboulonné pour la deuxième fois de l'année.

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 Victoire historique pour Arthur Ashe
Wimbledon 1975

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Il ne restait plus à Connors que l'US Open pour sauver sa saison. Et curieusement, pour la troisième fois, le même scénario se répéta encore. Cette année là, le tournoi américain se joue sur terre battue, le "Hard court", surface un peu plus rapide que la terre battue européenne. Le tournoi a abandonné définitivement l'herbe, mais se joue encore à Forest Hills, le temps d'attendre la construction d'un nouveau stade dans la banlieue de New York. Cette surface avantage Connors qui chez lui est encore le grand favori. Et comme d'habitude, il arrive en finale sans être inquiété, avec une frappe de balle toujours aussi impressionnante. En demi-finale, il écrase Borg en trois set 7-5 7-5 7-5. Le suédois n'est pas encore le grand rival qu'il deviendra par la suite, et cette victoire sur le vainqueur de Roland-Garros - où il n'a pas le droit de mettre les pieds pour cause d'Intervilles - permet à Connors de remettre les pendules à l'heure. Chez lui, l'américain sera difficile à battre, et ce n'est pas Orantes, son adversaire en finale qui semble pouvoir le menacer. L'espagnol a eu un parcourt pour le moins difficile. En demi-finale contre Vilas, il était même à la dérive au quatrième set, mené 5/0 30/40. Il sauve trois balles de matchs sur son service ! Puis à 5/1 40/15 sur le service de Vilas, il sauve encore deux balles de matchs. Sur la deuxième, l'argentin crut bien le lob d'Orantes dehors, la balle était sur la ligne... Vilas ne s'en remit pas, il perdit confiance et laissa filer Orantes vers la finale après trois heure quarante de jeux !

Orantes à Forest Hills
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Orantes, Forest Hills, 1975
Son unique titre en grand chelem
Et pourtant, pour la troisième fois, Connors va encore chuter ! Probablement animé d'un excès de confiance, il attaque le match en imposant son jeu, frappant ses balles rasantes avec le plat de sa raquette pour déporter son adversaire et conclure au filet. Il n'a pas de chance. Orantes, qui ne semble pas souffrir de son marathon de la veille, est en état de grâce. En vrai spécialiste de la terre battue qu'il est, l'espagnol utilise tout son répertoire de coups pour gêner Connors et lui faire perdre son rythme : alternance de balles longues et courtes, balles molles et cotonneuses, attaques coupées, balles basses et sans rebond, lobs liftés, tout y passe avec une réussite insolante. La terre battue est pour lui une aubaine qui lui réussit à merveille. En face, l'artilleur Connors se rue au filet et se fait transpercer ou lober comme un débutant. Jamais il ne trouva la solution et le score est sans appel : 6-4 6-3 6-4 !

Cette troisième claque devait faire réfléchir Connors qui prit alors des décisions : il se sépara de son entraîneur manager et se mit à repenser son tennis et sa carrière. Finis les matchs exhibition et son isolement des circuits traditionnels, Il devait en 1976 enfin accepter de jouer la coupe Davis pour son pays, et participer plus régulièrement aux tournois de la WCT. Il allait mettre un an avant de reconquérir un titre en grand chelem.

Connors en retrait, c'est Borg qui allait en profiter pour le remplacer à la tête de la hiérarchie mondiale. Et de quelle superbe façon !
 

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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .