 |
|
|
Rosewall vainqueur à 35 ans et dix mois... Forest Hills 1970 |
Tie break et couleur pastel... ...et Ken Rosewall !
Déjà utilisé par Dave Dixon lors de la première tournée de la WCT en 1968, le tie-break fut introduit expérimentalement pour la première fois dans un tournoi professionnel officiel à Boston en février 1970. C'était un tie-break simplifié à l’extrême joué en 9 points sans avantage, chacun des deux joueurs servant deux fois de suite. Le premier joueur à servir pouvait donc se retrouver naturellement à 4 partout avec une balle de set sur son service ! Une mort subite bien faite pour réveiller l’intérêt du public lassé par ces interminables batailles de services. Bien vite, tout le monde y trouva son compte : les joueurs qui voyaient leurs efforts limités dans le temps, le public pour qui le tie-break était un moment fort, et surtout les chaînes de télévision qui voyaient enfin dans le tennis un sport compatible de leurs contraintes de programmation ! |
| Utilisé avec succès tout au long de la saison dans plusieurs tournois pro, le tie-break fut adopté par l’USLTA pour le tournoi de Forest-Hills en septembre 1970. Cette décision ne faisait pas l’unanimité et les gardiens de la tradition hurlèrent au scandale. N’allait-on pas dénaturer l’esprit de ce sport déjà presque centenaire ? Pire, ce jeu décisif pouvait être joué à tous les sets y compris au cinquième ! Cette dernière particularité est restée unique dans un tournoi du grand chelem et c’est encore une des caractéristiques de l’US Open aujourd'hui. Autre innovation de taille, l’USLTA en profita pour autoriser les tenues de "couleur pastel". Adieu la sacro-sainte tenue blanche ! Le public non averti allait pouvoir reconnaître ses joueurs à la couleur des maillots… comme au football ! Et là encore les considérations commerciales n’étaient pas tout à fait étrangère: si les publicités restaient interdites, les stylistes allaient pouvoir barioler les chemises de logos colorés reconnaissables de très loin... |
Une vision à laquelle il faudra s'habituer : Les tenues de tennis ne sont plus blanches... Cette photo de Rosewall à Forest Hills date de 1973 |
Rosewall lève les bras. Deuxième victoire à Forest Hills 14 ans après la première... |
Interrogé
sur le tie-break avant le tournoi de Forest Hills, Ken Rosewall à
deux mois de son 36eme anniversaire émit un avis plus que favorable:
"Pour un "Vieux" tel que moi, le tie-break est une
excellente innovation. Un match qui se prolonge peut me jouer un mauvais
tour et provoquer une défaillance. Avec le tie-break, je gagne dix
minutes par ci, cinq minutes par là, à la fin d'un match
et à plus forte raison au terme d'un tournoi, cela représente
une économie non négligeable. Désormais, j'ai autant
de chance au départ qu'un joueur beaucoup plus jeune que moi. Le
tie-break prolongera certainement ma carrière..."
Rosewall ne croyait pas si bien dire. Ce tournoi de Forest Hills remporté haut la main reste un des sommets de sa carrière, et le tout nouveau tie-break l'a certainement aidé. En huitième de finale, Rosewall se fait accroché par le yougoslave Pilic, mais les deux tie-break (un gagné, un perdu, score finale 7-5 6-7 7-6 6-4) écourtent fort heureusement le match. |
| Rosewall pulvérise ensuite Stan Smith (score 6-2 6-2 6-2 ! - Smith sera pourtant deux mois plus tartd le premier vainqueur du Masters) et surtout Newcombe également en trois petits sets (6-3 6-4 6-3). C'était le revanche de Wimbledon, mais que n'avait-il gagné ce match deux mois plus tôt ? Bien reposé, Rosewall aborde sa finale contre Roche dans les meilleures conditions possibles, et c'est justement dans le tie-break du troisième set qu'il prend définitivement l'avantage sur son adversaire de 11 ans plus jeune que lui. Il marqua d'emblée les deux premiers points sur le service de Roche pour conclure 5 points à 2. Un break réussi au début du quatrième set lui suffit ensuite pour ne plus être inquiété. Une finale menée tambour battant au cours de laquelle Rosewall fut impressionant malgré son âge. |
| Le
tie-break eut tout au long du tournoi un succès remarquable auprès
du public. Le cérémonial un peu étrange qui l'accompagnait
y était sans doute pour beaucoup: dès que l'arbitre annonçait
le tie-break au micro (il ne disait pas "Tie-Break" mais "Sudden Death"
!), il faisait placer un drapeau rouge sur le court. Le public devenait
soudain plus attentif, et dans les allées, les gens se précipitaient
sur le court d'où venait l'annonce. C'était indiscutablement
un moment fort et vécu comme tel également par les joueurs.
Si le principe du tie-break n'allait plus être remis en cause par
personne, le système du jeu en 9 points sans avantage était
loin de faire l'unanimité... Autre sujet de polémique: le
tie-break devait-il se jouer à 6 jeux partout, où plus tard
dans le set ? Il faudra encore 10 ans de discussion pour que le tie-break
se joue de la même façon dans tous les tournois du grand chelem
et presque 20 pour qu'il soit enfin adopté en coupe Davis...
Clint Newcombe
,le fils de John, apporte à l'arbitre
le drapeau rouge qui annonce le tie-break ==> |
 |
Rosewall à Forest Hills pendant sa finale victorieuse. Les traits ont vieilli, bien sûr, mais le geste reste précis. |
Il faut dire que ces championnats d'Australie devenus de facto un tournoi WCT se jouèrent dans un ambiance curieuse où beaucoup de joueurs manquèrent de motivation. La plupart des grosses vedettes arrivées la veille du premier tour étaient hors de forme. Pire: Laver, Gimeno, Emerson et quelques autres étaient arrivés de Philadelphie par Londres(!) où ils avaient joué un petit tournoi exhibition... Suite aux éliminations de Laver, Roche et Newcombe en huitième de finale après des matchs quelconques, l'intérêt du public avait beaucoup baissé et on peut le comprendre. Il y eut même des événements curieux pendant le deuxième tour alors que se déroulait un autre événement sportif de première importance: le championnat du monde des lourds Clay-Frazier. Ashe manifestement distrait se permis de perdre un quatrième set 6/0 alors qu'il essayait de suivre le match sur le transistor d'un spectateur! Il réussit quand même à remporter son match. Moins heureux, Rod Laver suivait le match à la télévision quand on vint le chercher à la septième reprise. Il eut du mal à s'arracher et à retrouver sa concentration pour perdre en quatre sets contre l'anglais Mark Cox! Pire, associé à Emerson, il perdit dès le lendemain son double en deux petits sets en jouant avec une rare désinvolture. Il reprit presque immédiatement l'avion pour les États-Unis et ce comportement ne fut guère apprécié des spectateurs et des organisateurs. Ce fut d'ailleurs la dernière participation de Laver à l'open d'Australie. Les autres vedettes ne firent guère mieux: en huitième, Newcombe sans ressort est battu par Riessen, et Roche se fait rejoindre par Drysdale alors qu'il avait largement le match en main: menant 5-2 au tire break du quatrième set à deux points du match, il s'effondre soudain, perd 5 points de suite puis le dernier set 6/1. C'est probablement pendant ce match qu'il ressentit pour la première fois cette douleur au coude qui devait le gêner tant pendant tout le reste de la saison, et l'obliger à interrompre sa carrière pendant plusieurs années... |
| Et Rosewall dans tout cela ? Arrivé sagement une semaine avant le début du tournoi, il devait confirmer superbement ses bonnes dispositions. Dans un tableau relevé où tout le gratin du tennis professionnel était présent, "Le vieux" fit une promenade de santé et gagna le tournoi sans perdre un set ! Un seul tie-break gagné contre Okker en demi finale lui permis d'abréger fort opportunément une demi-finale où l'on vit probablement le plus beau tennis du tournoi. Rosewall concentré et efficace de bout en bout ne perdit pas un seul point important: mené 2/0 puis 5/3 dans le deuxième set, il n'eut pas de balles de set contre lui et remonta 6/5 pour l'emporter au tie break 7/2. Rosewall fit preuve pendant toute la partie d'une précision et d'un sang-froid contre lesquels le Hollandais ne pouvait rien. De temps à autre, on vit Okker hocher la tête d'admiration après avoir été débordé par un passing-shot, ou regardé passer un lob gagnant... |
Tom Okker en 1971 Pub pour les boyaux Babolat-Maillot |
Ashe finaliste de l'open d'Australie en 1971. Notez l'évolution de la forme de la raquette |
La
finale contre Arthur Ashe fut moins intéressante. Le service de
l'américain était défaillant, et il commit 14 double
fautes pendant le match. Cela suffirait presque à expliquer sa défaite
en trois sets, mais Rosewall était une fois de plus impérial,
et Ashe constamment débordé, fut dominé dans tous
les compartiments du jeu. Dix-huit ans après sa première
victoire, Rosewall retrouvait son titre de champion d'Australie! Cette
victoire lui rapporta 9000$.
A 37 ans, revoilà Rosewall au sommet. Trois finales consécutives en grand chelem, dont deux victoires, une motivation intacte, des jambes de gamins, un tie-break qui arrive au bon moment, toutes les conditions semblaient réunies pour que l'Australien puisse encore rêver à Wimbledon. Après tout, Tilden n'avait il pas remporté ce grand tournoi à 37 ans en 1930 ? Alors pourquoi pas lui... |
| Hélas pour Rosewall, le tie-break adopté à Wimbledon se jouait à 8 partout, et cette différence suffit peut-être à expliquer cela. Le poids des ans se fit cruellement sentir une fois de plus au cours des premiers tours. Plusieurs set joués jusqu’à 9-7 ne lui permirent pas de s’économiser suffisamment. Les 5 minutes supplémentaires passées sur le courts ici ou là finirent par compter. En quart de finale contre Cliff Richey, Rosewall prit le plus mauvais départ possible en perdant les deux premiers sets difficilement. Là où le tie-break à 6 partout aurait pu lui permettre d’abréger favorablement les deux premiers sets, le vieux dut batailler 5 longs sets pour se sortir avec bonheur d’une affaire qu’il avait bien mal engagée: score final 6-8 5-7 6-4 9-7 7-5 ! Cette trop longue remontée fantastique victorieuse, si elle enchanta le public une fois de plus, mit fin définitivement à ses espoirs. Le lendemain, sa demi finale contre Newcombe fut pitoyable. Statique et sans énergie, Rosewall ne put grappiller que 5 jeux… Cette fois, beaucoup pensèrent qu'ils avaient assisté aux adieux définitifs à Wimbledon d'un des plus grands joueurs du siècle. |
|
Épisode suivant : L'irrésistible ascension de Smith et Nastase |
Des idées, des remarques, des suggestions?
E-mail
Dernière mise à jour : 10
avril 2010
Copyright BLANCHE NET communications.
Avril 2010.
.