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Neale Fraser à l'attaque
Roland-Garros
(34) 1960: 
Neale Fraser et le réveil des Européens
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1960, l'année charnière. Olmedo passé professionnel, l'Australie retrouva sans peine sa suprématie. A 27 ans, Neale Fraser devient l'incontestable N°1 mondial, et son compatriote Rod Laver, 22 ans, son successeur annoncé. Les deux australiens se rencontrent trois fois en finale des tournois du grand chelem. Laver l'emporte difficilement en Australie (8/6 au 5eme set), mais il est battu plus nettement à Wimbledon et Forest Hills. Le troisième australien est plus qu'un remplaçant: Roy Emerson, 24 ans, est le partenaire de double de Fraser avec qui il a remporté Wimbledon, Forest Hills et la coupe Davis l'année précédente. En 1960, les deux australiens remportent Roland-Garros et Forest Hills.


Pietrangeli à Roland-Garros
  Neale Fraser était un magnifique joueur adepte du service volée comme tous les australiens, très à l'aise sur surface rapide. Mais il n'est pas facile de faire oublier les Rosewall, Hoad, Cooper et Anderson tous plus jeunes que lui et déjà passés professionnels. Son accession au sommet de la hiérarchie mondiale est méritée, mais acquise au bénéfice de l'âge et de l'expérience. Fraser n'etait pas maladroit non plus sur terre battue, et il était certainement tout à fait capable de gagner le grand chelem cette année-là. Il participa à trois finales sur quatre, et son echec à Roland-Garros eut lieu dans des circonstances dramatiques. Archi favori et tête de série N°1, il rencontrait en quart de finale le français Robert Haillet, un adversaire en principe largement à sa portée. Mais cueilli à froid un jour où le français était en état de grâce, Fraser se laisse endormir par un faux rythme, et il est rapidement mené deux sets à zéro. Jouant enfin son jeu d'attaque "à l'australienne", Fraser gagne le troisième 10/8, puis mené 5/1, remonte courageusement à 6/5 avant de s'écrouler, tétanisé par des crampes qui le forcent à abandonner. C'est Pietrangeli qui profite de cette contre performance pour gagner son deuxième Roland-Garros d'affilé. L'italien au subtil toucher de balle devient ainsi le maître incontesté de la terre battue et le digne successeur de Drobny à la tête du tennis européen. 
La victoire de Neale Fraser à Wimbledon fut très difficile, et pour des raisons inverses. En quart de finale contre le jeune américain Earl Buchholtz qui était dans une forme éblouissante, il dut batailler ferme au quatrième set, sauvant 5 balles de match avant de voir son adversaire s'effondrer alors que le score était à 15 partout! L'américain, victime de crampes, dut finalement abandonner alors que tout le monde voyait en lui le futur vainqueur. 
1960, c'est aussi le grand retour des européens. Les italiens présentaient depuis plusieurs années un équipe de coupe Davis très solide, régulièrement vainqueur de la zone européenne. 1960 va être en coupe Davis l'année du grand chambardement. En finale interzone, les italiens Nicola Pietrangeli et Orlando Sirola rencontrent à Perth en décembre les inévitables américains. MacKay et Buchholtz font encore figure d'épouvantail, surtout sur herbe et pourtant, l'incroyable va se produire. Menés 2/0 à l'issu de la première journée, - Pietrangeli a raté un balle de match contre McKay et perdu finalement 8/6 3/6 8/10 8/6 13/11! -, les italiens gagnent le double de justesse - 3/6 10/8 6/4 13/11 et remportent les deux derniers simples le lendemain. Pour la première fois depuis 1938, la finale de la coupe Davis n'opposerait plus américains et australiens! Pour les italiens, c'est la consécration, même si ils se font battre sans grandes émotions 2 semaines plus tard par les australiens.  

Laver-Pietrangeli, coupe Davis 1960
Victoire de l'australien 8-6 6-4 6-3

Pietrangeli en difficulté pendant le 
double. Il prend le public à témoin.
  1960, c'est aussi l'année des occasions manquées pour réunir la grande famille du tennis. Après plusieurs années de tergiversation, les quatre grandes fédérations que sont l'Australie, les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, s'entendent enfin pour proposer l'ouverture des tournois officiels aux professionnels. Ce n'est toutefois pas un "open" total qui est proposé, mais un "open" sous contrôle des fédérations nationales, les joueurs pros désirant participer devant obtenir auparavant l'aval de leur fédération. C'est ce qu'on appelait les "joueur autorisés". L'idée cachée était en fait pour les fédérations de pouvoir récupérer les meilleurs pros pour la coupe Davis. En filigrane, cette réglementation était accompagnée d'une menace: les joueurs pro qui ne soumettraient pas aux désirs de leur fédérations se verraient refuser leur "autorisation". En face d'un Kramer représentant unique des intérêts des joueurs pro, c'était risquer l'affrontement à la première occasion. Et c'est d'ailleurs se qui se produisit en 1973 avec la suspension de Nikki Pilic et le boycott de Wimbledon! 
Mais n'anticipons pas! Cette proposition courageuse pour l'ouverture de tournois "open" avait au moins le mérite d'exister. Le premier tournoi "open "était même déjà programmé, ce serait Roland-Garros en 1961.  Mais le 6 juillet lors de l'assemblée générale de la fédération internationale, c'est la consternation. La motion est approuvée par 134 voix contre 75, il manquait 5 voix pour atteindre la majorité des deux tiers indispensable. Les années suivantes allaient voir se creuser un fossé de plus en plus grand entre les amateurs tentés par les dessous de tables et une troupe de professionnels organisée et de plus en plus nombreuse. Quant aux tournois du grand chelem, au lieu de couronner les meilleurs joueurs du monde, il ne serviraient plus que de tremplin aux jeunes qui voulaient se faire remarquer avant de franchir le rubicon.

Roy Emerson et Margaret Smith, 
champions d'Australie, janvier 1961
font la une de ce journal australien.
Jack Kramer y annonce la fin
du tennis amateur...
  Comme si cela ne suffisait pas, Kramer continuait à développer son affaire. Il réussit à faire signer les deux jeunes espoirs américains McKay et Buchholz , décapitant ainsi littéralement l'équipe de coupe Davis des États-Unis. Aucun des deux n'avait pourtant réussi à gagner un titre en grand chelem, ni une coupe Davis. Pour les fédérations nationales, c'était une véritable provocation, elles se devaient de réagir si elle ne voulaient pas voir la coupe Davis perdre tout intérêt. Kramer n'annonçait-il pas haut et fort dans les journeaux la fin du tennis amateur? La voie de l'open ayant été fermée pour plusieurs années, il ne restait guère d'autres choix que d'encourager les meilleurs amateurs à le rester, quitte à fermer les yeux sur des pratiques de dessous de tables que tout le monde connaissait, mais que personne ne voulait sanctionner. C'est la voie que choisiront les australiens Emerson, Fraser et Stolle, et les européens Pietrangeli et Santana, pour ne citer que les plus connus...
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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .